mercredi 21 septembre 2011

Disparaître la rosée


C'était un matin et j'ouvris les yeux. Il faisait bien jour, le gris laissait place au bleu, et par le velux je regardais les nuages avancer. Sans bruit sans bouger, je savourais mon réveil d'être à cet endroit et de le sentir dormir à côté. Dans le mur de la façade, entre deux pierres, étaient nés deux oisillons qui piaillaient de toutes leur forces. Autour du lit, étaient des vêtements en boule en pleine poussière, preuve de l'empressement de la veille, d'une hâte sans manières. Dans son sommeil, je le regardais bouger et se blottir près de moi pour continuer sa nuit. Lui caressant les cheveux, je laissais aller mes mains et respirait son parfum. Je me cachais sous les draps, pour encore laisser venir les mots chuchotés très tôt.

Sur la pointe des pieds, j'ouvrais la fenêtre et regardais le jardin s'inonder des premiers rayons de la journée et disparaître la rosée. La tête sur l'oreiller, il soupirait du bien-être à faire durer un moment. Dans la campagne infinie, dans la maison toute seule, dans la pièce de nous deux, discrètement je m'en vais goûter l'air frais du dehors. Un jet d'eau vif et brûlant sur ma peau encore endormie, un soupçon de savon, un massage des mouvements, sur le carrelage immaculé, le corps doucement se déplie. La nuque renversée, inondée d'un bain chaud et ruisselant, je sens mes bras nus danser lentement. A travers la vitre parsemée de buée, j'aperçois le lit d'où je suis sortie. Sous la cascade de gouttes, les mains s'étalent et l'eau repasse pour effacer les traces de baisers.
En frissonnant de fraîcheur, la serviette m'enveloppe et retient mes tremblements. Envahie des vêtements propres et d'un nuage de maquillage, je m'étire de nouveauté d'être prête pour la journée. Un grincement descend l'échelle, la porte du frigo s'ouvre, la cuillère remplie le filtre, la fumée sort du café.

Texte Irène, photographie trouvée sur internet.

mardi 20 septembre 2011

Si tu m'avais vue


On a visité on a cheminé
Marché sur les sentiers et aux alentours
On a arpenté les rues mains dans la main
On s'est demandé si on y serait bien
Quelques maisons neuves et de vieilles longères
Des pavés anciens mouillés de fougères
De jolis quartiers mais si touristiques
Et chaque recoin fleuri de senteurs
Par temps idéal les vallées charmantes
Et sous la grisaille aussi différentes.

On est revenu ensemble séduits
Le choix était fait le petit nid prêt.
L'attente si longue le désir si proche
D'enfin partager et ne plus cacher.
Pour nous installer chacun était là
Le plaisir palpable d'aider sans compter
Famille et amis nous ont entourés
Et ont célébré ce début de vie
Rêves et projets réussite et champagne
Tout était parfait où tout commencait.

Tant d'années passées le temps arrêté
Et je me souviens d'un matin de juin
Le déménagement les préparatifs
Les jolis quartiers les jardins fleuris
Tous ces souvenirs ça me fait sourire
Car je ne les ai jamais revu.
Il n'a plus le temps pour de l'inutile
De l'air et du vent une femme fragile
Savourer chaque instant comme le dernier
Pour lui c'est facile et il croit comprendre.

Un soir d'été une inquiétude
Une habitude de solitude
Un voile de tulle et de dentelle
Et une bougie pour l'attention.
J'avais revêtu mes plus beaux atours
Pour nous faire saisir une dernière chance.
Fatigué rentré de sa longue journée
Devant ma beauté je fus seule à trinquer.
Ainsi triste et morne la gorge serrée
Silencieusement je fermais la porte.

Texte Irène, Photographie Agnès Simonel.

lundi 19 septembre 2011

Géométrie


Saint-Brieuc (22) - Avril 2011.

La course

Et les murs pleuraient la danse du vent hurlant
Et la terre égorgée sous ton discours de haine
Ne savait où regarder ni tenter d'espérer
Et ton rire grandissait ta bouche ensanglantée
Ne pouvait plus parler le couteau à tes pieds
Les paradis détruits chaque parcelle de sourire
Et ton peuple priait croyant te délivrer
Du mal assassiné broyé et sans amour
Tes bras frêles et tremblants tendus toujours plus haut
Ne faisaient que cacher ton crime agonisant
Les larmes te fuyaient et tu courais plus vite
Ta robe déchirée volait dans un silence
Et la mort t'attendait calme et sans négligence
Le couloir sinueux accélérait le temps
Tes yeux ne voyaient plus et déjà suffoquaient
Tu pleurais toi aussi d'avoir jamais su faire
Ce que chaque mère vit d'un instinct naturel
Trop tard éperdument tu te retournais pour
Ne rien apercevoir sinon des silhouettes
Accrochées à tes bas ne vivant que par toi
Tu comprenais alors que tu les entrainais
Par ton insuffisance vers les richesses d'un ciel
D'essence et d'explosifs, fruits d'une femme finie.