mardi 12 mai 2015

L'appel anonyme


Margarette Palombe tomba des nues lorsque la sentence, prononcée comme un coup de tonnerre, résonna dans le tribunal. Réclusion à perpétuité. Elle ne pouvait croire en la culpabilité de son fils. Eddy avait certes de nombreux défauts, mais de là à être un meurtrier de sang froid ! Il eut beau crier son innocence, il ne put prouver la théorie du complot qu'il avait choisie pour sa défense. Non seulement il n'avait aucun alibi pour les meurtres, mais l'avocat général avait en sa possession de nombreux éléments à charge : l'arme du crime avec ses empruntes et les témoignages d'un certain nombre d'honnêtes gens qui l'avaient vu sur les lieux des meurtres, ce que même Eddy ne pouvait réfuter. En effet, il s'était bien trouvé à chaque fois sur les lieux et à l'heure des crimes. Le complot était impossible à démontrer. Pourtant, il avait été mis en scène avec une simplicité enfantine par le véritable meurtrier. Eddy n'avait pas été une proie difficile, bien au contraire. Tisser une toile pour une araignée n'a rien de compliqué, c'est inné pour elle. Il suffit à l'araignée de connaître la direction de sa proie et de parier sur sa stupidité pour l'attraper. Eddy était clairement stupide, quant à sa trajectoire, elle n'était pas, pour quelqu'un d'un peu moins idiot que lui, difficile à deviner. Le plus dur, lors des six mois que durèrent le procès, fut d'entendre de la bouche de l'accusation l'ignoble portrait qu'ils avaient fait de lui et qui dès le lendemain, s'était retrouvé aussi bien en première page des journaux qu'au sommaire du journal télévisé. Vieux garçon, alcoolique, pervers et vicieux, frustré sexuellement, avec un passif de petit délinquant sans envergure. Bref, le type même du raté et du psychopathe en puissance. Margarette se disait à chaque fois, en regardant les visages méprisants et parfois grimaçants du jury : « Non, n'écoutez pas ces mensonges, ce n'est pas mon fils » avec l'espoir qu'ils la regardent et voient dans ses yeux toute la vérité sur son fils. Car elle seule le connaissait. Elle seule l'avait élevé. Tout n'avait pas été rose. Tout n'avait pas été parfait. Malgré tout, il y avait eu de l'amour, et jamais son fils n'aurait pu commettre de telles atrocités. Mais aucun d'entre eux ne la prêta attention; leurs visages se firent de plus en plus sévères. Quand Margarette vit le président du jury se lever droit comme un soldat, elle se crut elle-même résignée à la sentence qui attendait son fils. Au son de la voix qui prononça haut et clair le verdict implacable avec la satisfaction de la justice rendue, elle comprit avec effroi à quel point elle avait encore eu l'espoir qu'il soit innocenté. Elle s'effondra en larmes et ne put lever les yeux sur son fils, menotté et escorté par des agents de police, quittant le palais. 

Extrait de "L'appel anonyme" - Nouvelle fantastique et image Teddy Wadble - 2 mai 2015