mardi 27 octobre 2015

La voix des ombres

Le matin du jour qui allait être le dernier de notre existence - du moins l'existence telle que nous la définissions depuis l'aube des temps - tout comme le matin du 11 septembre 2001, débuta par un flash information qui était diffusé en boucle sur toutes les radios et chaînes de télévision, bientôt suivi d'autres nouvelles interventions relatant des événements différents mais tout aussi dramatiques et meurtriers se produisant à travers le monde, et cela jusqu'à l'extinction des feux et de notre espèce. Mais alors que la petite sphère journalistique était en ébullition depuis sept heures du matin et que les lèves-tôt étaient chez eux, au boulot ou au volant de leur voiture, suspendus devant leur écran de télévision et aux enceintes de leur radio, en état d'alerte pour être au fait de la moindre nouvelle information, je ne pris part à la connaissance commune de l'actualité qu'aux environs de neuf heures trente lorsque mon radioréveil m'extirpa avec difficulté de mon sommeil. Au début, tout n'était que voix et charabia incompréhensibles en fond sonore qui s'entremêlaient et interféraient avec le résidu de souvenir d'un rêve qui semblait de plus en plus m'échapper. 
Je restai quelques minutes allongé dans mon lit à me demander si j'allais me lever ou me rendormir lorsque je commençai à comprendre ce dont parlaient à la radio les témoins paniqués interrogés par les journalistes présents sur les lieux de la première catastrophe, première d'une longue liste dont on ne verrait jamais la fin. Il semblait s'agir d'une catastrophe aérienne de grande ampleur.  Les gens parlaient d'un avion de ligne qui venait de s'écraser au cœur d'une ville, d'un bruit infernal d'explosion et de cris ainsi qu'une possible attaque terroriste comme celle du 11 septembre. Je compris que la ville en question était Paris et que le crash avait eu lieu non loin de la Défense. Mais j'ignore encore pourquoi, dès que j'entendis les mots « nouveau 11 septembre », j'éteignis mon réveil et je sautai d'un bond hors de mon lit pour m'habiller et prendre mon petit déjeuner comme à mon habitude. Peut-être était-ce dû au fait que je ne voulais pas retomber dans les travers malsains du voyeurisme de masse que pouvait provoquer le choc de ce genre de nouvelle ; je me rappelais avoir eu en tête les images des deux avions percutant les deux tours jumelles jusqu'à leur effondrement. Ou étaitce en raison du ton des journalistes excités par une telle catastrophe comme en pleine montée d'adrénaline. Une chose était sûre, c'est que je ne m‘étais pas désintéressé de cette horrible catastrophe pour des raisons égoïstes ou par un sentiment de « je-m'en-foutisme ». Mais depuis les attentats de New-York, j'avais cette désagréable sensation que les médias nous métamorphosaient en vautours affamés prêts à fondre sur le moindre reste de cadavre qui n'aurait pas encore été découvert. J'éprouvais une véritable méfiance envers les journalistes et je refusais de céder à la panique ou à l'intérêt qu'ils essayaient de susciter en nous.

Extrait de "La voix des ombres" - Nouvelle et image Teddy Wadble - éditée chez Les Editions Otherlands dans "Créatures des Otherlands" 2014

Europe

Vers le lac Vostok
 
Une vision tout droit sortie des rêves impossibles de l'Homme. Ni un mirage, ni une illusion, la réalité dans toute sa splendeur sidérale. Dans le silence, On entendait battre les cœurs de ces quatre pionniers qui, avant même de fouler la terre, ou plutôt la glace de ce nouveau monde, en avaient déjà trouvé l'or. La géante gazeuse, pourtant encore si petite, avait dans leur regard redevenu enfant, l'attraction et la taille imposante d'un monstre. Ils savaient de par leur formation ce qu'elle avait dans le ventre et ce que cachait le panache de ses couleurs et de ses motifs si envoûtants. Il valait mieux ne pas l'approcher de trop près, même s'ils en mouraient tous d'envie. Cinq cent quatrevingt-huit millions de kilomètres les séparaient de la terre. Le séjour le plus long de toute leur vie. Sept longues années de voyage dans l'espace à la vitesse vertigineuse de dix mille kilomètres heure, six mois passés sur Mars et les voilà maintenant à l'aube de Jupiter et de ses Satellites Galiléens. Mais Jupiter ne serait pas leur destination, pas encore espéraient-ils. Leur terre promise s'appelait « Europe ». Sa deuxième lune la plus proche. Un astre recouvert de glace où se cachait, d'après les dernières données reçues des sondes Europa Clipper, Jupier Ice Moon Orbiter, dit JIMO, ainsi que de la Station Internationale JOVIAN en orbite autour d'Europe, un océan d'environ quatre-vingt-dix kilomètres de profondeur. Cela faisait déjà quatre mois que le Ice Slide avait été envoyé commencer le travail. Il s'agissait d'un robot foreuse équipé d'une Taupe ; un trépan géant chauffé par une pile nucléaire et relié à un câble en acier renforcé de quatre mille mètres, dont la mission était de frayer un couloir jusqu'à l'océan sur le site appelé le Lac de Vostok en hommage au lieu qui avait été choisi pour les premiers essais de forage effectués sur Terre.

« Nous serons en orbite autour d'Europe dans environ six heures, vous pouvez commencer à préparer l'équipement. Désolé pour les interférences, mais elles sont dues à la proximité des radiations et tempêtes joviennes. Bienvenue dans la banlieue galiléenne les gars ! »

Extrait d' "Europe" - Nouvelle fantastique et image Teddy Wadble - 25/10/2015

mardi 12 mai 2015

L'appel anonyme


Margarette Palombe tomba des nues lorsque la sentence, prononcée comme un coup de tonnerre, résonna dans le tribunal. Réclusion à perpétuité. Elle ne pouvait croire en la culpabilité de son fils. Eddy avait certes de nombreux défauts, mais de là à être un meurtrier de sang froid ! Il eut beau crier son innocence, il ne put prouver la théorie du complot qu'il avait choisie pour sa défense. Non seulement il n'avait aucun alibi pour les meurtres, mais l'avocat général avait en sa possession de nombreux éléments à charge : l'arme du crime avec ses empruntes et les témoignages d'un certain nombre d'honnêtes gens qui l'avaient vu sur les lieux des meurtres, ce que même Eddy ne pouvait réfuter. En effet, il s'était bien trouvé à chaque fois sur les lieux et à l'heure des crimes. Le complot était impossible à démontrer. Pourtant, il avait été mis en scène avec une simplicité enfantine par le véritable meurtrier. Eddy n'avait pas été une proie difficile, bien au contraire. Tisser une toile pour une araignée n'a rien de compliqué, c'est inné pour elle. Il suffit à l'araignée de connaître la direction de sa proie et de parier sur sa stupidité pour l'attraper. Eddy était clairement stupide, quant à sa trajectoire, elle n'était pas, pour quelqu'un d'un peu moins idiot que lui, difficile à deviner. Le plus dur, lors des six mois que durèrent le procès, fut d'entendre de la bouche de l'accusation l'ignoble portrait qu'ils avaient fait de lui et qui dès le lendemain, s'était retrouvé aussi bien en première page des journaux qu'au sommaire du journal télévisé. Vieux garçon, alcoolique, pervers et vicieux, frustré sexuellement, avec un passif de petit délinquant sans envergure. Bref, le type même du raté et du psychopathe en puissance. Margarette se disait à chaque fois, en regardant les visages méprisants et parfois grimaçants du jury : « Non, n'écoutez pas ces mensonges, ce n'est pas mon fils » avec l'espoir qu'ils la regardent et voient dans ses yeux toute la vérité sur son fils. Car elle seule le connaissait. Elle seule l'avait élevé. Tout n'avait pas été rose. Tout n'avait pas été parfait. Malgré tout, il y avait eu de l'amour, et jamais son fils n'aurait pu commettre de telles atrocités. Mais aucun d'entre eux ne la prêta attention; leurs visages se firent de plus en plus sévères. Quand Margarette vit le président du jury se lever droit comme un soldat, elle se crut elle-même résignée à la sentence qui attendait son fils. Au son de la voix qui prononça haut et clair le verdict implacable avec la satisfaction de la justice rendue, elle comprit avec effroi à quel point elle avait encore eu l'espoir qu'il soit innocenté. Elle s'effondra en larmes et ne put lever les yeux sur son fils, menotté et escorté par des agents de police, quittant le palais. 

Extrait de "L'appel anonyme" - Nouvelle fantastique et image Teddy Wadble - 2 mai 2015

mercredi 4 mars 2015

I don't care


This is a man's world

I'm small
I'm alone
I'm white
I'm tired
I'm old
I'm dirty
I'm sick
I'm ignorant

I want to cry
I want to swear
I want to fight
I want to fly
I want to articulate
Listen to me

I doesn't exist
I doesn't exist
I doesn't exist
I'm not there
I'm nobody

I want to burn
I want to destroy
I want to go out
I want to tear
I want to break

Christine and the Queens / James Brown / Sia / Fight Club / Birdman / Me
I dance in the middle of the buildings which collapse in slow motion
It's beautiful

What is the suite if there is one ?

Fuck you

I am an artist
I have powers
You are right to be afraid

Texte Irène - 5/03/2015 - Photo film Emma Stone dans "Birdman"