Tout le monde garde en mémoire, bien caché dans un coin
obscur de son esprit, un individu rencontré au hasard d'une vie, qui pourtant
ne mériterait aucunement qu'on s'en souvienne. L'ombre d'un personnage étrange
faisant partie de cette rare catégorie de personnes qui caractérise à elle
seule tout ce que l'on considère de rebutant, d'abject et de méprisant dans le
genre humain. Sale, laid, vulgaire, malhonnête, lâche et paresseux. Edgar Troyen
était de ceux-là. Un monstre d'égoïsme et de suffisance, une chimère de vices
et de travers, une bête de foire grotesque et méchante. Mais se considérant
comme un être humain à part entière malgré l'avis contraire d'un certain nombre
de ses voisins et concitoyens qui ne voyaient en lui qu'une grossière
caricature, il exigeait d'autrui le respect et la dignité dus à sa personne,
alors qu'il n'en éprouvait nullement pour quiconque, y compris pour lui-même, étant
aussi négligeant sur son hygiène et son aspect qu’envers sa conscience et son karma.
Edgar vivait dans un deux pièces vétuste d'à peine
quarante mètres carrés au troisième étage d'un immeuble en délabrement datant
des années trente : un vestige estropié de la guerre, tombé en désuétude et
mourant au cœur d'un vieux quartier populaire à l'abandon qui sombrait lui
aussi en décrépitude. Alors que pour la plupart des gens cet endroit
s’apparenterait à l'enfer, pour Edgar c'était le jardin d'éden. La petit rue
pavée au pied de son immeuble était pour lui la route du paradis, ou pour être
plus juste, des paradis. Il y trouvait tout le sel et le piment dont il avait
besoin pour assaisonner son existence. Un resto rapide qui faisait kebabs et
hamburgers, une pizzéria bon marché qui le livrait à domicile quand il avait la
flemme se sortir de chez lui, des bars de nuit où il avait ses habitudes, une
épicerie qui ouvrait jusque très tard dans la nuit, un sex-shop qui faisait
aussi cinéma porno et enfin lorsque minuit passait, quelques prostitués à bas
prix qui arpentaient les trottoirs en quête de clients peu regardants sur leur
santé.
Célibataire endurci, sans enfants, sans emploi et bénéficiaire à temps plein de la ressource de solidarité active et d'aides sociales en tout genre, il menait ce qu'il appelait la belle vie et n'avait aucunement l'intention de renoncer à tout ça.
Extrait de "Edgar et les cancrelats" chapitre 1, Nouvelle fantastique et image Teddy Wadble, 31 mars 2014
Célibataire endurci, sans enfants, sans emploi et bénéficiaire à temps plein de la ressource de solidarité active et d'aides sociales en tout genre, il menait ce qu'il appelait la belle vie et n'avait aucunement l'intention de renoncer à tout ça.
Extrait de "Edgar et les cancrelats" chapitre 1, Nouvelle fantastique et image Teddy Wadble, 31 mars 2014
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